L'ARMÉE DES 12 SINGES,
hors du temps

 

L'Armée des 12 Singes est tout d'abord une oeuvre qui repose sur la réflexion, et sur une ambiguïté présente tout au long du film (rien que le titre constitue en lui-même une fausse piste ; il fallait oser !). En effet, c'est un des rares films de nos jours qui a la grande particularité de rendre véritablement le spectateur directement actif dans le sujet qu'il aborde. Tout simplement parce qu'ici, le spectateur est le seul qui puisse comprendre tout ce qui arrive aux personnages. Il est donc le seul qui soit dans la capacité de résoudre l'énigme colossale qu'a mis au point le réalisateur. Car qu'est-ce que L'Armée des 12 Singes, à part un énorme cadeau envers celui qui le visionne ? (si la réflexion est un plaisir)
Une fois toute l'histoire à peu près dégrossie (car il est difficile de ne rien laisser échapper dès la première vision), le film fonctionne sur un principe du temps peu exploité au cinéma, et qui diffère radicalement de celui de
Retour vers le Futur, entre autres. Ici, on ne peut pas modifier le cours de l'histoire en un claquement de doigt, car l'histoire ne se déroule qu'une seule et unique fois, et par conséquent il est impossible de la modeler selon ses désirs. C'est la raison pour laquelle James Cole, interprété avec brio par Bruce Willis, ne pourra pas empêcher l'humanité de sombrer dans l'apocalypse. Pour comprendre la théorie du temps abordée dans L'Armée des 12 Singes, cliquez ici.

Côté casting, notons les prestations parfaites de Bruce Willis, Madeleine Stowe et Brad Pitt, qui interprètent avec justesse des personnages tous rongés par une certaine folie, dont le degré ainsi que la manière de les atteindre diffèrent en fonction de chacun d'eux. La folie, second thème dominant du film, est en effet présente sous diverses formes : premièrement, celle la maladie mentale, la plus connue (Brad Pitt, étonnant dans un rôle très complexe), puis une autre de nature plus psychologique, le "complexe de Cassandre", qui est celui de la personne qui prédit les malheurs au sein d'un groupe qui ne la croit pas (Bruce Willis, dans une de ses plus grandes compositions). On pourrait en distinguer une troisième, qui serait la folie intérieure et inconsciente, c'est-à-dire qui n'est pas nécessairement connue de celui qui en est atteint ni de ceux qui l'entourent, mais qui reste cependant la plus terrible et la plus dangereuse, et qui aboutie dans le film à la folie destructrice (le scientifique qui est à l'origine du virus mortel).


Quant aux multiples fausses pistes sur lesquelles le spectateur est régulièrement envoyé, elles ne compliquent absolument pas le scénario inutilement, puisqu'elles possèdent un rôle bien particulier : celui de rendre le spectateur dans un état proche de celui des protagonistes, à savoir de créer une sensation de confusion générale, à l'image de James qui finit par perdre tous ses repères et par ne plus distinguer le présent du passé, le passé du futur, le futur du rêve, le rêve de l'imagination, l'imagination de la mémoire...

La complexité et la confusion qu'apporte (ou qu'est) le temps, la folie humaine, l'apocalypse inévitable... En ordonnant un peu tout ça, on en arrive rapidement à une conclusion qui vaut que l'on s'y attarde : le voyage dans le temps dépasse l'homme, car ce n'est pas le temps qui est victime de l'homme, mais bien l'inverse. Tous ces éléments sont disposés dans une mise en scène à la fois délirante et très sophistiquée, nourrie de plans obliques et de gros plans démesurés, ce qui dégage une impression froide et confuse derrière laquelle se cache une énigme tout à fait compréhensible et cohérente, qui reste néanmoins irrésolvable.

 

Mad Dog, Novembre 2000

  

 

- L'avis de la presse sur L'Armée des 12 Singes
- Une poignée de critiques en français sur L'Armée des 12 Singes
- Le 13ème Singe, un bon site sur le film