PULP FICTION,
la structure jubilatoire d'un scénario à tiroirs
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"Pulp Fiction se déguste avec cet émerveillement qu'offre parfois un mets de grande cuisine", écrivait Christophe D'Yvoire dans Studio Magazine, lors de la sortie du film en salles. Tout à fait juste, cette interprétation vaut d'être développée. Comme tout plat, Pulp Fiction possède des ingrédients de départ : un jeune couple braqueur s'attaquant à une cafétéria, deux équipiers gangsters (héritiers de Reservoir Dogs) chargés de ramener une mallette mystérieuse à leur boss, et un boxeur en cavale après avoir trahi ce même boss. Ajoutée à cela, une garniture appétissante : un dealer cool et sûr de son affaire, la femme séduisante du boss en question, la petite amie fragile du boxeur, un policier dérangé, un petit bourgeois râleur, sans oublier un nettoyeur quelque peu exigeant. Mais ce plat magistral ne saurait
exister sans un supplément indispensable : sa sauce, qui a fait
l'effet d'une bombe devant le jury cannois de 1994, présidé par
Clint Eastwood et Catherine Deneuve, et qui est caractérisée par
deux éléments qui sont la clé de ce film brillant. |
Le second constituant de cette sauce succulente,
c'est le fait que Tarantino se serve justement de la conventionalité de ses
ingrédients de base (qui sont en partie puisés dans les films de
Blaxploitation) pour en construire un récit décalé, ponctué de virages à
180° et d'explosions de violence sèche (l'overdose subite de Mia suivie de sa
réanimation agitée, la "réclusion" de Butch et Marcellus suivie de
l'arrivée de Zed, un flic (?!) pour le moins inquiétant, et la mort
accidentelle du jeune Marvin), apportant au film une certaine part de réalisme,
dans le sens où cela est filmé "nature". Servis par des dialogues
hilarants (" - Je sais pas moi, t'as
peut-être roulé sur une bosse ! - Quoi, où ça une bosse, je t'en foutrais,
moi, des bosses !", dialoguent
Vincent et Jules, les deux tueurs à
la suite de leur accident de travail), ces passages donnent lieu à de véritables
scènes d'anthologie.
Car, bien que l'on assiste à des moments qui dans la vie de tous les jours sont
profondément tragiques, ils relèvent pourtant dans Pulp
Fiction
d'une drôlerie inimitable, et ce par le simple regard du spectateur, qu'on le
veuille ou non. Et c'est là qu'est le vrai talent de Quentin Tarantino, qui
avance très justement : "La
violence de mes films n'est pas commerciale comme celle de L'Arme
Fatale".
D'autant plus que la morale de toute cette
histoire, qui nous est révélée à la fin du film, déborde de bonne volonté.
Elle nous apprend, par l'intermédiaire du verset tiré de la Bible et récité
par Jules, que l'homme qui fait le Bien autour de lui recevra le soutien de
Dieu, afin d'anéantir celui qui fait le Mal. On en a une parfaite illustration
à l'instant où Butch, qui cherche à fuir son métier de malfaiteur, exécute
Vincent, qui lui est le seul à continuer le métier. C'est pour cela que Jules
raccroche également, pour ne pas finir de cette façon. Quant à Marsellus, il
ne meurt pas mais reçoit tout de même une leçon marquante ("Il
va me falloir longtemps pour que ça aille",
s'exclame-t-il après avoir subi les exactions du policier pervers).
Ce festin, constamment assaisonné et intelligemment pimenté, est un mélange réjouissant
de fiction et de réalisme qui développe des saveurs jusqu'alors inconnues au
cinéma.
Mad Dog, Juillet 2000
- Pulp Fiction, ou l'art de créer des scènes d'anthologie
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